« Le digital, oui, le tout-digital, non. »
Interview du Dr Didier CHÂTELAIN, Président du réseau de soin REMED

La digitalisation du cabinet médical s’est nettement intensifiée, notamment depuis l’émergence de la pandémie de COVID.

Quels bénéfices celle-ci apporte-t-elle ? Quels sont, a contrario, les risques que l’on peut y associer et comment garder l’humain au centre de la relation de soin ?

Pour nourrir la réflexion, voici le regard du Dr Didier CHÂTELAIN, spécialiste en médecine interne générale à Genève et Président du réseau de médecins REMED, partenaire de MEDES.

 

1) Que désigne-t-on par « digitalisation » dans l’univers du cabinet médical ?

Dr Didier CHÂTELAIN : « En tant que médecin, lorsque l’on me parle de digitalisation, personnellement, j’y vois deux aspects :

• La dimension médicale : cela inclut tout ce qui concerne la prise en charge médicale du patient, notamment son dossier électronique (DEP). Cette digitalisation est utile à la consultation médicale et aux échanges d’informations qui s’y rapportent, avec, par exemple :
  • des confrères médecins
  • d’autres institutions médicales
  • les infirmières (imad par exemple)
  • les laboratoires d’analyse
  • les centres d’imagerie médicale
  • etc.

  
  Cela inclut également les échanges avec le patient lui-même, notamment depuis le COVID où les échanges électroniques directs (notamment par email) se sont particulièrement développés.

  Par digitalisation, on entend aussi la possibilité de digitaliser la consultation médicale en elle-même, avec la téléconsultation. Celle-ci peut être très utile, mais doit être réservée aux situations qui l’exigent, et non devenir la règle.

• La dimension administrative : on retrouve également la digitalisation dans un certain nombre de tâches propres à la gestion du cabinet médical. Je pense par exemple à :
  • la facturation, en particulier avec les assurances. Elle est d’ailleurs obligatoire depuis de nombreuses années.
  • l’agenda médical, l’un des services au cœur des activités de MEDES et qui permet de disposer d’un planning facilement partageable et actualisé en temps réel.
  • la prise de RDV en ligne, directement par le patient, autre exemple de ce que la digitalisation peut inclure. »

 

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2) En tant que médecin, dans quel état d’esprit accueillez-vous cette digitalisation ?

Dr Didier CHÂTELAIN : « Personnellement, si je constate quotidiennement les effets bénéfiques de la digitalisation, je reste toutefois assez partagé sur la question.

D’un côté, je reconnais volontiers ses aspects positifs :

La digitalisation me semble indiquée lorsqu’elle renforce l’efficience :

 

• Gain de temps : c’est indéniable, la digitalisation du cabinet médical permet de gagner beaucoup de temps, et ce, dans de nombreuses situations.
• Gain d’efficacité : l’accès au dossier médical du patient et à son historique est facilité, et cela permet ainsi, par exemple, d’éviter des doublons d’examens.
• Sécurité de la prise en charge et du diagnostic renforcée : le partage des actes et des décisions par transmission numérique permettent d’éviter les erreurs dans la chaîne de soin.

 

Toutefois, certains aspects liés à la digitalisation me laissent plus circonspect, car ils me paraissent présenter certains risques :

• Des consultations où l’humain est moins au centre : certains patients me parlent d’expériences où ils ont eu l’impression que les écrans et données numériques prenaient le pas sur la relation humaine sensée pourtant être au cœur du soin.
• De nouvelles tâches chronophages : si la digitalisation a permis de gagner du temps sur certains aspects, elle a aussi apporté avec elle de nouvelles tâches très chronophages pour le praticien.
  Je pense notamment aux messages emails souvent longs et nécessitant réponse, ce qui n’avait auparavant pas cours en direct entre le médecin et son patient.
• Une standardisation de prise en charge : en systématisant de nombreux paramètres, l’usage du numérique présente, selon moi, un risque de mener à une plus grande uniformisation des prises en charge.J’y vois un paradoxe, aujourd’hui où l’on sait l’importance de tendre vers une médecine personnalisée.En effet, selon l’histoire du patient, son âge, son genre, et d’autres paramètres parfois non ‘’chiffrables’’, la prise en charge n’est pas la même.L’exemple de l’oncologie me paraît particulièrement probant puisqu’en la matière, il y a actuellement pratiquement presqu’autant de traitements que d’individus.
• La dépendance à l’aspect technique : enfin la digitalisation amène avec elle les risques liés aux pannes techniques, aux bugs, ou encore au piratage.
  Comment mener convenablement une consultation si une panne informatique prive le médecin de toute information médicale concernant le patient ? »

 

3) D’après vous, comment s’appuyer sur la digitalisation sans nuire à l’aspect humain des métiers de médecin et soignant, essentiel dans un cabinet médical ?

Dr Didier CHÂTELAIN : « Effectivement, en termes de prise en charge médicale, le digital me paraît pouvoir aider énormément, mais l’aspect humain doit rester central et prioritaire : le digital, oui, le tout-digital non.

Dans cet esprit, il me semble important de bien maintenir l’équilibre entre les bénéfices liés à la digitalisation et ceux liés à la relation humaine.

Je pense à l’exemple du télésecrétariat qui constitue un savant équilibre entre efficience et aspect humain.

La digitalisation permet au patient d’avoir accès au planning du médecin, tout en ayant l’écoute humaine et rassurante de l’assistante médicale, qui, souvent, connaît les patients et est formée à repérer ce qui relève de l’urgence, ou doit être ré-orienté, etc.

Cette faculté-là, qui reste essentielle pour la qualité de la prise en charge, ne peut être remplacée par aucun système électronique. »

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Interview réalisée le 27 juin 2023